Marcelo Viñar (1936–2025)

Le psychanalyste uruguayen Marcelo Viñar est décédé à Montevideo le 11 juin, à l’âge de 88 ans. Il fut président de l’Association psychanalytique de l’Uruguay (APU) et de la Fédération psychanalytique d’Amérique latine (FEPAL). Avec sa compagne, Maren Viñar, il écrivit Éxil et torture (Denoël, 1989), préfacé par Maud Mannoni. Médecin de formation, il s’est également formé comme psychanalyste au sein de l’APU, dans les années 1960 et 1970, sous la tutelle de Willy et Madé Baranger, des kleiniens d’origine française ouverts au lacanisme.

En avril 1972, Viñar fit la connaissance des Mannoni, les premiers lacaniens à se rendre en visite en Amérique du Sud. Un mois et demi plus tard, il fut incarcéré, prétendument pour avoir assisté des guérilleros Tupamaros. « La suspicion était celle-ci, dit-il : comme j’étais médecin, j’avais une double vie — une vie académique, et celle d’un leader tupamaro en arrière (1). »

En juin, les Mannoni réussirent à faire parvenir un télégramme aux présidents du Sénat et de la Chambre des députés, signé par Gilles Deleuze, Michel Foucault, Robert Gentis et Horace Torrubia : « Nous sommes inquiets au sujet du sort du Dr Marcelo Viñar, emprisonné sans accusation et sans jugement à Montevideo (2). »

Lorsqu’il était soumis à la torture, au mois d’août, un article du Monde rapportait : « L’Association internationale des juristes
démocrates et le directeur de l’École freudienne de Paris, le professeur Jacques Lacan, sont intervenus en faveur d’un psychanalyste uruguayen, le Dr Marcelo Viñar, dont les services de sécurité ont confisqué le dossier médical lors de son arrestation (sans ordre judiciaire) (3). »

Après sa libération, Viñar accepta la proposition de Serge Leclaire de s’installer en France. Celui-ci finança son installation et lui obtint un poste à la clinique psychiatrique de La Chesnaie, à Chailles, où Viñar deviendra directeur de l’École de psychiatrie institutionnelle. « Pendant cette [première] année où je ne parlais pas le français, j’étais le meilleur médecin, parce que les schizophrènes m’aidaient. C’est ce qui m’a sauvé la vie : le renoncement à la position de savant (4). »

C’était l’époque où les coups d’État au Chili (1973) et en Argentine (1976) succédèrent à celui de l’Uruguay. Dans ce paysage dévasté, l’exil et les violences politiques devinrent un dénominateur commun que l’analyste de Paysandú s’efforça d’élaborer dans ses écrits et conférences. De retour en Uruguay depuis la fin des années 1980, Marcelo Viñar est devenu une figure majeure de la psychanalyse en Amérique latine, alliant engagement politique, travail clinique et réflexion théorique.

A.Dagfal

(1) Entretien avec Patrice Vermeren, Puerto Montt, le 25 octobre 2017 (inédit).
(2) Cité par Filgueira, M., « Por otros medios », Nácate, Revista de Psicoanálisis, nº 6, 2020, p. 153.
(3) Vidal Martins, S., “Tribune internationale. La violence et la répression », Le Monde, 14 aout 1972. Disponible ici
(4) Entretien avec Patrice Vermeren, Puerto Montt, le 25 octobre 2017 (inédit).
Voir également un compte rendu de l’ouvrage Exil et torture ici