Dans Che vuoi ? 2007/2 (N° 28) par Josette Zoueïn
Saviez-vous que la nostalgie, terme savant pour traduire la notion populaire de « mal du pays », est à l’origine un terme médical de la même famille que lombalgie, névralgie, antalgique… ? Qu’en dépit de son double enracinement grec dans la douleur du retour, elle ne figure ni dans l’Iliade ni dans l’Odyssée. Introuvable chez Ovide, manquant au vocabulaire de Marot, De nostalgia ne voit le jour qu’en 1688, au titre d’une dissertation préliminaire à une thèse de médecine de Jean Hofer (1757-1810). Quittant sa Mulhouse natale pour étudier l’art médical à Bâle, le jeune étudiant note que les malades atteints de ce tourment sont des sujets à l’âge fragile et délicat, particulièrement vulnérables au départ. Il situe le siège du mal dans la zone la plus profonde du cerveau et dans ses filaments nerveux.
C’est le point de départ d’une histoire médicale de la nostalgie, qui prend sous la plume d’A. Bolzinger psychiatre, psychanalyste, lauréat de l’Académie de médecine, l’allure d’un personnage de roman. Née tardivement, De nostalgia va trois siècles durant se confronter à ses pairs, tomber dans l’oubli, réacquérir ses lettres de noblesse, légitimer une existence qui n’a rien perdu de son actuel. Pas moins de deux cents thèses de médecine recensées entre 1803 et 1988, un labeur de vingt ans, plus à même que les encyclopédies médicales de maintenir « un équilibre de bon aloi entre les vertu du savoir et les habilités du savoir-faire » (p. 9). De médecine militaire pour la plupart, la nostalgie épouse dans l’histoire de la médecine des dénominations diverses traversant exils, guerres et génocides dans une étreinte qui ne lâche décidément pas l’humain.